samedi 29 mai 2010

Mémoires d'un enseignant 4

Le 30 septembre 1988, après une escapade de deux semaines, je repris la route vers Néma, capitale du Hodh Chargui, où j’étais affecté, en qualité d’instituteur de français. J’avais embarqué dans un bus de la Société Nationale de Transport Public national (SNTP), au niveau du garage d’Aleg, vers quinze heures. Les senteurs, provocatrices et souvent irrésistibles, des grillades de viande chatouillaient les narines des passagers. Je savais que je passerais la nuit à Kiffa. Le programme et les tarifs de la compagnie de transport étaient connus de tous les usagers de la longue route de l’Espoir (1.087 kilomètres de goudron, reliant Nouakchott à Néma). C’était, habituellement, 30 heures de voyage discontinu. Le départ de Nouakchott était fixé à dix heures. Déjeuner à Aleg vers quatorze heures. Arrivée à Kiffa vers vingt-deux heures. Départ vers huit heures, le lendemain. Déjeuner à Timbedra, vers quinze heures. Arrivée à Nema, après dix-sept heures.

M’étant acquitté du montant de mon billet, 1.700 ouguiyas, je m’installe, inconfortablement, sur un sac, à côté d’une vieille dame qui faisait, déjà, sa sieste. A cause de la rentrée des classes, le bus était surchargé. Les passagers, entassés, sur et entre les sièges. La chaleur, suffocante. Une véritable arche de Noé. Des gens de toutes origines. Hassanya, Bambara et Foulani, enchevêtrés. Un forum improvisé de civilisations et de cultures. Cheggar, Maghta Lahjar, Sangrava, Achram, El Kaira, Diowk. Villes et villages, aux paysages divers, se succédaient. Plaines, collines et excavations. Voici les célèbres Marde et Akreraye, à quelques encablures d’El Hella, immortalisés par Abd Al Rahman Ould Soueid Ahmed, dans son fameux gaf (poème). Ensuite, Kamour, Guerou, Toueigude et, enfin, Kiffa. Il était un peu moins de vingt-deux heures. Je descendis, exténué, mais sans que l’ire de la vieille dame, qui m’accusait d’avoir endommagé les effets contenus dans son sac, ne se soit trop emportée. Prières, largement en différé. Thé, assorti d’un couscous de «passable» qualité, et remercions Allah d’avoir créé l’euphémisme. Avant de dormir, le chauffeur tient à prévenir les passagers que la responsabilité de la compagnie est dégagée des bagages descendus du bus.
Le lendemain, vers neuf heures, le voyage reprit. Pk70, Zravia, Tintane et beaucoup d’autres petits villages, avant d’atteindre Aioun, capitale du Hodh El Gharbi, vers 13 heures. Après un petit arrêt qui permit aux passagers de cette ville de descendre, cap sur Timbedra, à plus de deux cents kilomètres plus loin. Oum Lahbal, Oum Latham, Aoueinatt Zbel, puis Tneibe comme l’appellent, affectueusement et nostalgiquement, ses gens. C’est une grande bourgade, pleine d’histoire(s), au propre comme au figuré. Ses grands hangars, artistiquement réalisés, tiennent lieu de restaurants de fortune et sont bourrés de clients. Normal, la ville de Timbedra est un véritable carrefour entre les destinations de Bassiknou, Fassalé, Djiguenni, Bousteila, un passage obligé de ceux qui partent en Afrique de l’Ouest, d’une part, et, d’autre part, de ceux qui viennent s’approvisionner en produits divers, avant de rejoindre les marchés hebdomadaires de Noual, Mavnadech, Mouacheich, Legneiba et autres Katawan ou Moufta’ha. Plus que 107 kilomètres avant d’atteindre la ville de Néma. Après plus de vingt heures de route. Exceptionnellement, le bus ne quitta Timbedra qu’après la prière d’El Asr (vers dix-sept heures, donc). Et c’est aux environs de dix-huit heures trente qu’il stationna dans la Batha de la ville où quelques dizaines de personnes attendaient l’arrivée de proches. J’étais là, valise à la main. Je ne savais où aller. Mais je savais, quand même, que celui qui a une langue ne se perd jamais. En bon Mauritanien, j’avais pris le soin de faire l’inventaire de toutes les familles ressortissantes d’Aleg résidant à Néma. Je n’avais que l’embarras du choix. A une vendeuse de cacahuètes qui me proposait ses marchandises, je demandais le chemin qui menait vers la maison d’un parent douanier. Heureuseme

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