Le lendemain du passage du directeur régional de l’enseignement fondamental, je pliai bagage en direction de Rosso. Evidemment, je me suis offert un «petit crochet» d’une semaine à Nouakchott. Les gens d’Archane, dont un des cadres, avocat de renom, connaissait le wali du Trarza, se mobilisaient fortement pour obtenir mon retour. C’était l’époque où l’instituteur, le puits, le forage, le point de santé, le blé, l’huile et autres commodités constituaient les plus sûrs moyens pour faire entendre raison aux quelques récalcitrants, peu nombreux d’ailleurs, qui n’étaient pas encore totalement enclos dans le système en place. Or, Archane était un des rares villages du Trarza à être, encore entièrement, acquis à la cause de l’opposition, particulièrement à l’Union des Forces Démocratiques. Cette «insubordination» lui valait, d’ailleurs, beaucoup de déboires dont le plus gênant restait le forage de Breibira – un puits – à quelques encablures du village. Une incommodité bénie par les dignitaires locaux du puissant PRDS de l’époque, et qui avait été à l’origine d’une forte bataille entre la collectivité bénéficiaire et celle du village d’Archane. B.O.M., un Hartani de cette dernière collectivité, venu, de Boutilimitt, défendre les terres traditionnelles de son ensemble tribal se rappelait, avec amertume, les jours de paix où, sous des tentes bien aérées, il buvait, suavement, «El ma‘ou El Baridi» - en Arabe, cette phrase est une véritable hérésie grammaticale – du puits de «Lebzazile» – un autre nom d’Archane.
A Rosso, le DREF m’établit, par le biais de son secrétaire et sans me consulter, une note d’affectation dans un petit adebaye reclus, quelque part sur la rive du fleuve. En vrai «Harag Egoum» – celui de l’extraordinaire Tala’a, du grand chantre de la poésie Hassanya, Cheikh Ould Mekkiyinne, qui ne comprenait rien à l’affaire, en brûlant un certain arbre – le directeur ignorait tout de ma légendaire insubordination et de mon peu de vocation pour le métier d’instituteur. Au pied levé et sans détour, je lui fis savoir que je n’irai jamais dans ce village. Menaces et injonctions ne servirent qu’à raffermir ma décision. L’intervention importune d’un inspecteur de passage lui valut une véritable volée de bois vert de ma part et, en à peine une heure de temps, je m’étais mis tout le staff de la direction sur le dos. Mais les manœuvres de mes «parents» d’Archane continuaient, parallèlement. Je suivais ces tractations avec un intérêt particulier, en espérant qu’elles fassent mouche, désireux de m’épargner une nouvelle bagarre, inégale, contre un directeur régional déterminé à me faire comprendre, une fois pour toutes, que je n’étais qu’un subordonné. En attendant, je me baladais à Rosso, en compagnie de Jiddou, mon ami de l’Ecole Normale, qui enseignait à l’école 1 de la capitale régionale. Souvent, le soir, j’«attrapais» une main de belote avec Feu Abdoulaye Doumbia, le directeur régional de la Sûreté du Trarza, Deuf Ould Babana, l’ancien directeur de la Plaine de Mpourié, Kamara Dramane et Sall Kalidou. De temps à autre, je passais à la direction régionale, où le secrétaire du directeur m’apprenait que rien n’avait encore évolué. Mais un matin, vers huit heures, alors que j’accompagnais Jiddou sur le chemin de son école, la voiture du directeur freina à nos pieds. «Viens me voir, au bureau, à 10 heures!» Cela présageait quelque chose de nouveau et je décidai d’obtempérer. Lorsque je fus sur place, le directeur essaya, à nouveau, de me convaincre de rejoindre mon nouveau poste d’affectation. «C’est», me confia-t-il, «une petite bourgade dont l’école dispose d’une importante cantine, de plus de cent rationnaires, tous internes». J’avoue que, pour un instituteur, cela voulait beaucoup dire. «En plus», ajouta-t-il, «tu ne dépenseras rien: tous les enseignants sont totalement pris en charge par le gentil chef de village». Mais, une fois encore, je répondis que, pour rien au monde, je n’irai dans ce bled. Fort en colère, il s’écria, à très haute voix, que je ne voulais pas travailler et que, par conséquent, j’en assumerais l’entière responsabilité. Echanges de propos peu courtois. Sur un coup de tête, je décidai de demander audience au wali. C’et ainsi que, vers 14 heures, le DREF fut surpris de me trouver dans la salle d’attente de celui-là, à attendre mon tour. Je savais que je n’avais pas raison mais je savais, aussi, que les chefs de services régionaux avaient horreur d’être cités devant les autorités administratives. C’est certainement pourquoi le directeur me proposa de renoncer à cette aléatoire entrevue, en me promettant de trouver une solution à mon problème. «Vas à Nouakchott », me dit-il, «te reposer une semaine, en attendant que ta tête refroidisse. Tu reviendras après». En absentéiste chevronné, je ne me fis pas prier deux fois. Je partis, directement, du bureau du wali vers le garage, pour aller passer plusieurs semaines entre Nouakchott et Aleg, en attendant la décision, désormais très influencée, de mon directeur régional. (A suivre)
A Rosso, le DREF m’établit, par le biais de son secrétaire et sans me consulter, une note d’affectation dans un petit adebaye reclus, quelque part sur la rive du fleuve. En vrai «Harag Egoum» – celui de l’extraordinaire Tala’a, du grand chantre de la poésie Hassanya, Cheikh Ould Mekkiyinne, qui ne comprenait rien à l’affaire, en brûlant un certain arbre – le directeur ignorait tout de ma légendaire insubordination et de mon peu de vocation pour le métier d’instituteur. Au pied levé et sans détour, je lui fis savoir que je n’irai jamais dans ce village. Menaces et injonctions ne servirent qu’à raffermir ma décision. L’intervention importune d’un inspecteur de passage lui valut une véritable volée de bois vert de ma part et, en à peine une heure de temps, je m’étais mis tout le staff de la direction sur le dos. Mais les manœuvres de mes «parents» d’Archane continuaient, parallèlement. Je suivais ces tractations avec un intérêt particulier, en espérant qu’elles fassent mouche, désireux de m’épargner une nouvelle bagarre, inégale, contre un directeur régional déterminé à me faire comprendre, une fois pour toutes, que je n’étais qu’un subordonné. En attendant, je me baladais à Rosso, en compagnie de Jiddou, mon ami de l’Ecole Normale, qui enseignait à l’école 1 de la capitale régionale. Souvent, le soir, j’«attrapais» une main de belote avec Feu Abdoulaye Doumbia, le directeur régional de la Sûreté du Trarza, Deuf Ould Babana, l’ancien directeur de la Plaine de Mpourié, Kamara Dramane et Sall Kalidou. De temps à autre, je passais à la direction régionale, où le secrétaire du directeur m’apprenait que rien n’avait encore évolué. Mais un matin, vers huit heures, alors que j’accompagnais Jiddou sur le chemin de son école, la voiture du directeur freina à nos pieds. «Viens me voir, au bureau, à 10 heures!» Cela présageait quelque chose de nouveau et je décidai d’obtempérer. Lorsque je fus sur place, le directeur essaya, à nouveau, de me convaincre de rejoindre mon nouveau poste d’affectation. «C’est», me confia-t-il, «une petite bourgade dont l’école dispose d’une importante cantine, de plus de cent rationnaires, tous internes». J’avoue que, pour un instituteur, cela voulait beaucoup dire. «En plus», ajouta-t-il, «tu ne dépenseras rien: tous les enseignants sont totalement pris en charge par le gentil chef de village». Mais, une fois encore, je répondis que, pour rien au monde, je n’irai dans ce bled. Fort en colère, il s’écria, à très haute voix, que je ne voulais pas travailler et que, par conséquent, j’en assumerais l’entière responsabilité. Echanges de propos peu courtois. Sur un coup de tête, je décidai de demander audience au wali. C’et ainsi que, vers 14 heures, le DREF fut surpris de me trouver dans la salle d’attente de celui-là, à attendre mon tour. Je savais que je n’avais pas raison mais je savais, aussi, que les chefs de services régionaux avaient horreur d’être cités devant les autorités administratives. C’est certainement pourquoi le directeur me proposa de renoncer à cette aléatoire entrevue, en me promettant de trouver une solution à mon problème. «Vas à Nouakchott », me dit-il, «te reposer une semaine, en attendant que ta tête refroidisse. Tu reviendras après». En absentéiste chevronné, je ne me fis pas prier deux fois. Je partis, directement, du bureau du wali vers le garage, pour aller passer plusieurs semaines entre Nouakchott et Aleg, en attendant la décision, désormais très influencée, de mon directeur régional. (A suivre)